Pour s’y rendre, c’est très simple : il faut prendre un bus à Shinjuku direction Kawaguchiko Gogôme 河口湖 五合目 qui est la 5e station du mont Fuji, mais il est aussi possible de s’arrêter à la 3e
station. Le trajet se fait avec la ligne Keio (il faut s’éloigner un
peu de la station de Shinjuku et chercher des yeux un bâtiment où il est écrit KEIO
en blanc sur fond bleu foncé. De toute façon il faut traverser, pour
plus d’infos demandez moi ^^)
J’avais
un peu de mal à trouver, surtout que j’ai demandé mon chemin à un
couple qui revenait fraichement avec leur bâton sur lequel étaient
tamponnées les marques des différentes stations… ce couple m’a donné une
mauvaise indication alors j’ai redemandé à des jeunes gens, et un
garçon super gentil m’a accompagné jusque devant le bâtiment.
Une
fois que vous avez trouvé le bon endroit, il faut prendre son billet de
bus : 2600 yens pour aller-retour soit 19 €. J’ai
eu de la chance, car j’ai eu mon billet à 18h, et le type au guichet a
fait attendre le bus pour moi… à 5mn près j’étais bonne pour attendre
une heure sur Shinjuku ! Dans le bus pas grand monde : des
anglophones, des asiatiques et quelques japonais. On m’a installé dans
les places réservées aux femmes « Women Only » j’étais très tranquille !
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Le magasin du niveau 5 |
Le trajet m’a semblé plutôt
rapide, on voit qu’on est loin de Tôkyô car il n’y a plus de buildings… Bref, nous
arrivons en pleine nuit à la 5e station. Je ne savais pas à
quoi m’attendre, mais au moins j’ai pas été déçue. Parce que rieeeen du
tout n’est éclairé ! Il y a des magasins dont un est éclairé et
devant lequel nous sommes déposés, mais c’est tout. Je vais me changer
parce que c’est pas en short que je vais y arriver. Il faut
payer 500 yens pour utiliser les toilettes. Et comme je le verrais plus
tard, personne n’est là pour voir si on paye effectivement, c’est à
l’honnêteté de chacun de mettre sa petite pièce dans la petite boite.
Une
fois prête…. Eh ben..... « C’est partiiii ! »
Comme
je l’ai dit, rien n’est éclairé sur la piste, c’est pas super bien
protégé, et la route principale n’est pas indiquée non plus…. On
s’engage sur une route qui commence par descendre. Dans la nuit, on voit
les lumières de la ville en contrebas, je pense que c’était Hakone.
C’est magnifique en tout cas….
A
partir de là, c’est le début… le début de la fin. Sisi, il était 20h30
et c’était déjà dur. De une, je me répète, mais rien n’est éclairé. Bien
sûr j’ai ma lampe frontale de chez GO Sport qui éclaire quelques
dizaines de centimètres devant moi, mais c’est tout. Et des fois c’est
difficile de distinguer la route à suivre et le chemin de caillou. Et puis
parfois il y a des sortes de crevasses dangereuses où il est possible de
tomber si on n’y prend pas garde, ou si on va trop gauche on tombe de
très haut également, etc… Franchement plus dangereux que je n’aurais
pensé. Ça faisait partie des trucs que je ne savais pas alors que je
m’étais pas mal renseigné sur le sujet avant d’y aller.
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Mont Fuji Safety Guidance Center |
Au début, je ne voyais
vraiment pas grand monde. Des fois des gens passaient devant moi, des
fois je voyais des lumières de lampes derrière moi… Globalement le début
n’était pas encombré. Je marche pendant environ 1h et on me remet un
papier au « Mont Fuji Safety Guidance Center ». Bon, déjà je suis pas
perdue c’est bien. Mais mon dieu comme j’ai mal aux mollets ! Forcément
comme on monte en pente, ce sont les muscles des mollets qui prennent
tout, et au bout d’un moment je monte même en faisant dos à la route,
car en lui faisant face c’est trop éprouvant. Il ne fait pas encore trop
froid, avec seulement ma polaire je suis bien, mais la transpiration
est extrêmement désagréable d’autant qu’elle devient froide et glace le
dos.
A
partir de là, je commence à suivre un couple avec leur petit garçon,
mais je finis par les perdre de vue. Je monte 10mn en suivant une sorte
de route vraiment dangereuse quand 3 personnes me font des signes avec
leurs lampes et leurs bras. Je me dirige vers eux… eh ben j’étais tout
simplement hors-piste en fait, et les trois compagnons m’aident à
escalader le grillage pour les rejoindre. Je les remercie et nous
montons. Au bout de 10mn nous faisons une pause, une des filles se met à
chanter Hakuna Matata en japonais. Elle a une superbe voix ! Puis on se
présente et comme souvent on m’appelle Marina et non Marine. « マリーヌ? かわいいい! »
Tous les trois ont été très généreux et
gentils tout le long, très prévenants.
On monte, on marche, on se soutien avec des « 大丈夫? » auxquels on répond invariablement par « うん、大丈夫。 »
(c’est-à-dire « Ça va ? » / « Oui ça va »). Le début du trajet
ensemble ça allait, nous allons tous les 4 à la même vitesse, je les
écoute parler, je commente de temps en temps. La fille a la jolie voix
(je vais l’appeler Kuro ça sera plus simple) Kuro parle beaucoup,
les autres sont souvent à rigoler. Les minutes passent ainsi et nous
nous arrêtons à la 7e station. On s’équipe mieux : écharpe, veste supplémentaire, k-way… tous mettent leurs gants, et voyant que je n’en avais pas… le garçon du groupe chose
sort une seconde paire de son sac et me les offre… Trop gentil ! Même
si à ce moment-là, je n’avais pas conscience que c’était carrément une
question de vie ou de mort ces gants !! Je réalise maintenant que sans ces gants, je
n’aurais pas pu continuer. Tous les trois respirent dans leur bouteille à
oxygène, chose que je n’avais pas pris, jugeant cela superflus. Et à ce
moment-là ça allait.
Le
long de la route, nous croisons davantage de personnes, et parfois des
gens malades qui vomissent sur le côté… C’est effectivement toujours
aussi dur, chaque pas que je fais me semble être une épreuve, je me dis
que je ferais mieux d’arrêter, que j’ai essayé et c’est déjà bien… Mais
quand je vois la détermination dans le regard de mes compagnons et dans
celui des autres grimpeurs qui nous dépassent ou que nous dépassons…
J’ai plus envie de laisser tomber.
Presque toutes les 10 minutes, ce
schéma de « J’abandonne/Oh non je vais tenir bon bo*rdel !!!! » se
répétait, le dernier prenait toujours le pas sur l’abandon. Nous nous
arrêtons cependant assez régulièrement, on voit très bien les lumières
des lampes frontales des autres personnes, ou les lumières des magasins
et refuges plus haut. Ça me rassure, je me donne des buts « Allez, dans
10mn tu y seras, tien bon » ou « De toute façon tu vas marcher pour y
aller, alors fais-le maintenant sans t’arrêter, oublie le reste… » Bref
je m’encourage, et je me rend compte que c’est bien mieux de le faire
avec des compagnons qui te remontent le moral ou t’encouragent quand tu
veux arrêter, que seule...
Je
n’ai aucune idée de l’heure qu’il était, j’étais complètement perdue
dans le temps. Minuit ? 2h du matin ? Bientôt 3h ? Ces chiffres ne
signifiaient plus rien, seuls les numéros de stations et le nom des
refuges avaient un sens « Allez, on est à Toyo-kan, courage !! » ou « C’est
bon, c’est Horai-kan qui est en vue ! » « La 8e station ! On
y arrive, encore un peu de courage…. !! » C’est déstabilisant, d’autant
que là pendant que j’écris, justement, je ne sais pas du tout à quelle
heure nous sommes arrivés où, combien de temps nous mettions pour
monter, combien de temps nous nous reposions…
Globalement,
à partir de la station 8 (3100m d’altitude) et pire encore à la station
8.5 (3400m) j’avais énormément de mal à respirer, le garçon
m’a donné une bouteille d’oxygène puisqu’il en avait deux (franchement…
être aussi généreux avec quelqu’un qui croise notre chemin, ça ne se
voit pas tous les jours en France…), et ça allait un peu mieux, mais ça
ne durait jamais guère longtemps. Quand nous escaladons les rochers, les
japonaises lancent des « Je vais mouriiiir, j'ai peuuur ! こわいいーー! »
des petits « Kyah » etc… alors que grimper sur les rochers me rappelle
la Bretagne, quand j’allais sur l’ile de Garo avec ma famille et qu’avec
mes frères nous grimpions sur les rochers… Bon, là il y a la pente en
plus, il fait noir et il fait froid, mais j’aimais bien quand même !
Alors qu’inversement, je galérais à marcher quand le terrain était plat
alors que le trio y arrivait. Je suppose que l’un faisait
appel à certains muscles qui allaient bien et l’autre à des muscles
différents qui me faisaient souffrir.
Comme
nous allions à des rythmes différents, nous nous arrêtions quelques
secondes pour se retrouver, voir qui est où. La dernière heure, je
m’arrêtais davantage pour essayer de respirer, mais c’était extrêmement
dur. Cumuler la fatigue, le froid, les douleurs, le fait que le jour même je n’avais mangé qu’un melon pan avec
une copine et que j’avais en quelque sorte oublié de prendre un repas
correct…. J’avais la tête qui tournait atrocement, l’impression que
j’allais m’écrouler à chaque pas… le garçon chose s’arrêtait
régulièrement dans sa lancée pour m’attendre et m’accompagner, sa
présence me forçait à faire de mon mieux et à avancer coûte que coûte.
Plus
les heures avances, plus il y a de monde sur la toute, et vers 3h du
matin, nous sommes bloqués, nous avançons petit à petit, pas après pas,
énormément de personnes se pressent autour de nous et nous manquons de
nous perdre de vue. Le soleil se lèvera dans un peu plus d’1h30 et à vue
de nez, ce sera difficile d’être au sommet à l’heure.
Pendant notre marche, un groupe
de 6-7 religieux habillés en blanc passent à côté de la foule en
entonnant des chants que j'ai trouvé... mystiques. Seuls ces chants brisent le
silence de la nuit et nous sommes tous à les écouter. Ils sont
chaudement vêtus certes, mais ce sont des geta et des tabi qu’ils ont au
pied… ! (pour comparer grossièrement, c'est la même forme que des tongs) Comment parviennent-ils à monter les rochers sans se fouler la
cheville avec de pareilles chaussures ? Ça me parait être un tour de
force. Leur carrure et leur apparence forçait déjà mon respect.

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C'était bourré de monde.... |
Au loin, les lumières
rouges se montrent déjà… Je suis frustrée et dégoutée : il reste encore
énormément de monde sur la route, j’ignore quelle heure il est, j’ignore
à quelle heure je pourrais arriver, j’ignore à quelle heure le soleil
va se montrer. Dans 5mn ? Dans 30mn ? Même maintenant, quand je
visualise la scène, je perds la notion du temps. Et je perds aussi de
vue mes compagnons bien plus haut. Je rassemble tout mon courage, le peu
qu’il me reste et quittant la route principale où une personne
seulement peut circuler à la fois, je marche et escalade les rochers où
personne ne va, je double ainsi beaucoup de gens, je me dépêche, tout en
regardant derrière moi avec nervosité, en regardant si mes compagnons de route sont à côté… Mais
je ne les vois pas. Alors que je dépasse la torii principale, je jette
des regards affolés, j’ai bien envie de crier leur nom, mais ce serait
briser l’ambiance solennelle qui règne en haut. Je me cherche alors une
place, pensant partir à leur recherche ensuite…
4h40.
Je suis à 3776m d’altitude.
Après 7h30 de trajet, de douleur et de
fatigue, le soleil va faire son apparition.
Je me suis trouvé une place
en avançant sur la droite. Assise entre quelques personnes, je sors mes
affaires. Un calme relatif règne, peu de personnes discutent autour de
moi, les gens se font discrets et surtout ne quittent pas le ciel des
yeux.
Puis un homme près de nous brise le silence par son hurlement : « Il est
là !! » (quelque chose comme ça), et toute la foule pousse des « Ooooh
! » et des « Aaaah ! » ; elle cherche à distinguer les lueurs dorées et
orangées du soleil parmi les nuages et l’aurore. Les couleurs au loin
prennent une forme arrondie, et la foule se fait fébrile,
attendant qu'il se dévoile.
Petit
à petit, le demi-cercle révèle ses formes. La tension est à
son maximum : nous attendons tous qu'il se montre en entier pour
pousser des cris de joie. Les photographes amateurs et professionnels
attendent de pouvoir immortaliser la seconde où il se détachera
complètement des nuages.
Là encore, un silence de mort règne, comme si le moindre bruit risquait de retarder celui qu'on attend tous.
Et
enfin, le soleil est entièrement sorti.
« BANZAIIII !! »
...hurle un
japonais. C'est lui qui donne en quelque sorte le signal, car de
partout nous entendons des cris de joie « Banzaiiii !! Nippon banzai !! »
et bien sûr je me joins à eux pour exprimer la joie qui m'habite, et
qui habite sans aucun doute les autres courageux grimpeurs.

Les
cris se taisent petit à petit, un brouhaha naturel reprend le dessus et
la foule s’agite pour faire davantage de photos, pour poser devant le
ciel magnifique, les gens se sourient et se demandent entre eux si on
peut les prendre en photo. Occidentaux, asiatiques ou Japonais, nous
partagions je pense le même bonheur... de quelques instants -hélas ce
fut si rapide ! Mais n'est-ce pas après tout l'éphémère qui est
grandiose ? (^^)
A 10mn près nous (les 3 Japonais et moi) n'étions pas au sommet à temps.
Franchement j'ai jamais souffert autant, je ne me suis jamais autant
dépassé. Je ne pensais pas que c'était si dur.
Ma fatigue extrême pour atteindre à temps le sommet et la beauté du
lever du soleil qu'on a tous attendu m'ont mis les larmes aux yeux...
c'était un incroyable spectacle, un tableau où se mélangent les tons
dorés, orangés et noirs, où les nuages sont teintés de couleurs chaudes
où l'on en oublierait presque qu'il fait terriblement froid. Nous avons
tous marché de longues heures pour arriver jusqu'en haut, et sommes
"récompensés" par cette vue magnifique.

D'ailleurs, j'ai vraiment trouvé ça un signe car le vent s'est mis à
soufflet uniquement quand le soleil a été bien en haut du ciel, que le
lever était fini... comme si le vent ne voulait pas perturber le silence
presque mystique et nous laisser en paix admirer ce lever du soleil.
Pour la fin, je vais abréger :
 |
Une dame qui m'a pris en photo ^^ |
- j’ai cherché les 3 Japonais, mais je
ne les ai pas retrouvés. C’est vraiment pas faute d’avoir scruté la
foule de long en large, et d’avoir regardé dans les petits restos. Mais
rien. Complètement déçue de les avoir perdus, j’aurais tant voulu garder
contact….
-
je ne suis pas restée très longtemps ensuite, j’aurais tellement voulu
manger quelque chose de chaud… mais j’étais prise de nausées et je
n’avais pas particulièrement envie de vomir devant tout le monde… Alors
après m’être isolée quelques minutes j’ai repris la route pour rentrer, à
mon grand regret je n’ai pas pu m’éterniser au sommet…
-
c’était dur de savoir quelle route je devais prendre, et au total j’ai
du mettre 3-4h pour redescendre. La piste était raide et on manquait à
chaque pas de glisser sur les petits cailloux. Elle n’était pas dure à
descendre, seulement longue, en zig-zag, et glissante.
J’ai
vraiment raconté avec un maximum de détail, respect si vous avez pris
le temps de tout lire. Cette expérience aura été une des plus grandioses
de mon séjour, presque de ma vie même. J’attendais ce jour avec
énormément d’impatience puisque le Fujisan me
fascine.
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Vue sur le lac d'Hakone |
-
prenez une bouteille d’oxygène au cas où, au moins une pour deux, car
on ne sait pas comment on va réagir si on a jamais fait d’ascension. Je
ne pensais pas que j’aurais eu autant de difficulté à respirer et
reprendre mon souffle, et si le garçon ne m’avait pas fait ce cadeau, j’aurais laissé tomber depuis longtemps…
-
prenez 1.50 voir 2L d’eau, car c’est fou ce qu’on a soif rapidement !!
Mieux encore, prenez du café ou du lait au chocolat, ou du thé, ça
réchauffe et c’est toujours ça
-
de manière générale, prenez à manger en quantité suffisante. J’ai fait
tourner mon paquet de biscuit si bien qu’au final je n’en ai pas mangé
beaucoup –cependant les autres ont bien sûr partagé avec moi…. Notamment
un bout de fromage qui tenait davantage du Kiri que du fromage !
-
partez à 20h, voir 1 ou 2h avant… Au moins vous aurez le temps d’aller à
votre rythme, car c’est frustrant de se dire qu’on n’arrivera pas à
temps parce qu’il y a la queue sur la route principale !!
- prenez impérativement des gants et une petite serviette à mettre autour de votre cou pour éponger la transpiration
Pour toute question ou conseils, n’hésitez pas à demander ^^